L’UCLouvain lançait, début avril 2020, une enquête auprès des Belges francophones de + de 18 ans pour évaluer la consommation d’alcool et autres substances en période de confinement. L’objectif ? Déterminer les liens entre l’évolution de cette consommation et diverses variables connues pour influencer les habitudes de consommation (isolement, émotions négatives, peur).
Plus de 10 000 personnes ont, à ce jour, participé à cette enquête, et 6 500 réponses complètes ont été prises en compte. L'enquête se poursuit jusqu'au 4 mai.
Les premiers résultats viennent d’être analysés par les chercheurs UCLouvain : on n’assiste pas à une hausse généralisée de la consommation d’alcool.
C’est même l’inverse :
- A contre-courant de l’idée largement répandue selon laquelle la consommation d’alcool pourrait augmenter massivement durant le confinement (notamment en lien avec la hausse du stress, de l’anxiété ou de l’isolement social), seuls 25 % des répondants décrivent une consommation en hausse durant le confinement (avec une hausse hebdomadaire moyenne de 6 doses standard d’alcool) ;
- 46 % reportent une consommation stable ;
- 29 % rapportent même une réduction de leur consommation suite au confinement ; - Quant à la consommation d’autres substances, la baisse est généralisée : cigarettes 42 %, cannabis : 52 % et cocaïne 75 %.
L’évolution de la consommation varie en fonction des facteurs démographiques : -
- Diminution plus importante de la consommation d’alcool chez les hommes (33 % contre 23 % chez les femmes) et chez les jeunes (20-40 ans : 42 %)
- Hausse plus fréquente de consommation chez les personnes avec un niveau d’é³Ù³Ü»å±ð²õ plus élevé (supérieur : 28% contre 22% : secondaire) et chez celles et ceux qui font du télétravail (37%) ou qui ne travaillent plus (38%) durant le confinement
- Réduction d’alcool très marquée chez les étudiant·es (61 %) et encore plus massive chez les hommes (70 %)
- Le fait d’être confiné à la campagne ou en ville n’influence pas la consommation
- L’isolement social ou l’ennui n’influencent pas non plus la consommation
Les facteurs qui expliquent une hausse de la consommation ? Les émotions négatives liées à la crise (boire permet de réguler ces émotions) ; le stress (revenu, travail, familial, impuissance face à la crise) et l’anxiété (risque de contamination).
Quant à la baisse de consommation, elle s’explique par l’absence de contacts sociaux : les personnes qui boivent habituellement entre amis boivent moins.
Enfin, l’enquête UCLouvain confirme les conséquences psychologiques négatives du confinement : 54 % se disent fortement anxieux et 66 % sont insatisfaits dans leurs contacts sociaux, malgré l’utilisation massive des outils de communication à distance.
L'enquête est ouverte jusqu'au 4 mai sur uclouvain.be/addiction-confinement.
Pierre Maurage
Professeur à l’Institut de recherches en sciences psychologiques de l’UCLouvain.