Lockdown, confinement, déconfinement : ces mots font désormais partie de notre vocabulaire quotidien. Mais saviez-vous qu’aucun d’entre eux n’est présent dans le dictionnaire ? Explications avec Michel Francard, professeur émérite à l’UCLouvain en faculté de philosophie et lettres (FIAL).
Vous avez dit « confinement » ?
Le mot « confinement » s’est imposé très rapidement dans le monde francophone. C’est un mot bien français. « Confinement » vient de « confins », donc ces lointains territoires où il est facile de confiner quelqu’un. Soit parce qu’il est prisonnier, soit aussi, on parle de confinement pour un malade.
Vous serez peut-être étonnés de l’apprendre, mais « confinement » à une échelle importante, donc pas simplement quelques individus, est plutôt réservé jusqu’à présent dans les dictionnaires à des animaux. On parle de confinement des animaux dans les batteries. Donc la situation actuelle de confinement d’une bonne partie de l’humanité, ce n’est pas encore répertorié dans les dictionnaires du français.
Donc forcément, si « confinement » n’est pas consigné dans ce sens-là , « déconfinement » ne l’est pas non plus. Mieux encore, « déconfinement » n’est PAS dans le dictionnaire. Pas plus d’ailleurs que le verbe « déconfiner » ou l’adjectif « déconfiné ».
Qu’est-ce que ça signifie ? Ça signifie que très rapidement les francophones ont utilisé un mot qu’ils ont spontanément créé sans se demander si oui ou non, ça appartenait aux dictionnaires reconnus. C’est au fond l’usage des choses : quand vous parlez, vous ne vous demandez pas à propos de chaque mot s’il est dans le dictionnaire. Donc je trouve que c’est intéressant comme mécanisme, comme processus : les gens créent un mot, une composition, ici avec « dé-confinement », cesser un étant de confinement. Et le mot s’impose sans avoir un rapport avec une influence anglaise. D’ailleurs les anglophones n’ont pas de mot qui équivaut à notre « déconfinement »