La fresque qui orne actuellement l’entrée du Collège Erasme, Place Cardinal Mercier, a été réalisée en février et mars 2024 en suivant les techniques et les matériaux de la peinture murale d’époque romaine. L’initiative a permis d’associer art, recherche et divulgation par une expérience d’archéologie expérimentale avec une vocation artistique et pédagogique.ÌýÌý
Le projet s’est déroulé en suivant deux objectifs :
Un objectif scientifique : tester par l’archéologie expérimentale les hypothèses formulées par la recherche en tentant de reproduire concrètement les gestes des artisans antiques, leurs procédés, en utilisant les recettes et mélanges identifié·es grâce aux analyses physico-chimiques. Des nouvelles données peuvent être ainsi recueillies, éclairant des pans encore inconnus de nos connaissances sur les peintres de l’Antiquité, artisans anonymes mais souvent deÌývéritables artistes, ayant été les précurseurs des grands maîtres de la fresque médiévale et renaissante, tels Giotto et Michel Ange.
Un objectif artistique : unir art et science pour produire une œuvre d’art originale et unique, inspirée des techniques et des images de l’Antiquité mais ancrée dans un espace contemporain. Ceci pour embellir l’entrée de la faculté de philosophie, arts et lettres et enrichir l’offre culturelle et artistique de Louvain-la-Neuve, déjà connue pour ses nombreuses fresques contemporaines d’artistes comme Claude Rahir, Roger Somville et François Schuiten, disséminées à travers la ville.
Le projet a été soutenu par le fonds « Recherche et Création » d’UCLouvain Culture, ainsi que par la faculté de philosophie, arts et lettres (FIAL) et l’Institut des civilisations, arts et lettres (INCAL).
Qui sont les acteurs du projet ?
Maud Mulliez se définit artiste/artisan-chercheuse. Elle a un doctorat en histoire de l’art et archéologie et une formation d’artiste et de restauration. Elle s’intéresse depuis plusieurs années à l’expérimentation autour des gestes des peintres, de leurs outils et de leurs matériaux, notamment pour l’Antiquité. Elle a produit plusieurs œuvres dans une perspective d’archéologie expérimentale, notamment pour le Musée Saint-Raymond de Toulouse, à Arles ou plus récemment à Saintes dans le cadre du programme Aquitania Ornata lors duquel la réalisation d’un four à chaux a permis d’utiliser une chaux artisanale et ainsi de s’approcher au plus près des techniques originales.
Paolo Tomassini (F.R.S.-FNRS/UCLouvain) est chercheur qualifié du FNRS. Archéologue, spécialisé dans l’étude du décor et de l’architecture antiques d’époque romaine, il mène ses recherches sur la technique de la peinture murale antique, en associant archéologie, archéométrie et archéologie numérique, identifiant les matériaux par des analyses physico-chimiques et recréant virtuellement les gestes des peintres et l’architecture décorée via la modélisation 3D.
Les étudiant·es de la faculté FIAL de l’UCLouvain. Ont contribué activement au projet les étudiantes et étudiants suivants : Miléna Borecky, Istria Daue, Marie Denève, Enya Krens, Tom Poncin, Raphaël Porez et Julie Vandenbosch.
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Qu’est-ce qui est représenté ?
La fresque du hall du Collège Erasme est une création artistique spécifiquement conçue pour l’espace qu’elle décore. Elle respecte toutefois scrupuleusement les codes de la peinture murale d’époque romaine, en s’inspirant de modèles bien précis de peintures de « troisième style final » (milieu du Ier siècle ap. J.-C.) en Italie centrale et méridionale. En suivant comme fil rouge le thème du jardin et de la nature, plusieurs sont lesÌýtémoignages antiques ont inspiré les motifs décoratifs, comme par exemple le viridarium 18 de la villa de Poppée à Oplontis, l’atrium de la Villa des Mystères de Pompéi ou les peintures du Sanctuaire de la Bona Dea et du Caseggiato delle Taberne Finestrate d’Ostie.
Pourquoi une fresque à la romaine au collège Erasme ?
La civilisation romaine a porté la peinture murale à l'un des plus hauts niveaux atteints dans l'histoire de l'art, fondant les bases de l’art pariétal occidental du Moyen-âge et de la Renaissance. La technique constitue la genèse de la fresque, en utilisant des pigments sur un enduit en mortier de chaux encore frais. En assimilant et réélaborant les techniques de la peinture grecque, les Romains ont été capables de produire des peintures de grande qualité, dont les couleurs - si elles étaient bien faites – étaient immuables et éternelles. Cette résistance dans le temps de l’enduit, associée au fait qu'il est relativement bon marché, rapide et facile à produire, indépendamment du climat ou du contexte géographique, a permis à la peinture murale de devenir rapidement la forme de décoration la plus répandue dans l'Antiquité.
Aujourd’hui, les techniques de la peinture antique peuvent encore avoir un rôle à jouer. Les couleurs employées par les Romains étaient uniquement des pigments d’origine naturelle et minérale et donc éco-compatibles et à zéro impact. Le mortier de chaux, invention romaine par excellence, est en train de redevenir un matériau avantageux pour ses coûts réduits, sa grande solidité et sa durabilité.
Le collège Erasme, siège de la faculté de philosophie, arts et lettres et de l’institut des civilisations, arts et lettres de l’UCLouvain, est l’endroit idéal pour cette création, qui symbolisera l’attachement aux racines du passé, aux traditions transmises par les textes (en l’occurrence les auteurs latins Pline et Virtuve) et les vestiges matériels et artistiques, mais également le regard tourné vers l’avenir, où les sciences humaines s’enrichissent d’une interdisciplinarité de plus en plus prononcée, intégrant les sciences et les nouvelles technologies pour construire un monde meilleur.
Et à côté de la fresque ?
À côté de la fresque, un témoin pédagogique a été laissé pour illustrer concrètement les différentes étapes de réalisation. En partant du bas vers le haut, on peut ainsi voir : 1. Le mur en brique originel ; 2. Le colmatage des joints en ciment avec du mortier de chaux ; 3. Le gobetis ou arriccio, première couche d’accrochage en mortier de chaux ; 4. Le corps d’enduit ou intonaco, la couche principale de préparation en mortier ; 5. L’intonaco avec des incisions en chevrons pour faciliter l’accrochage de la couche successive ; 6. La couche de finition ou intonachino, un mortier avec comme agrégat de la poussière de marbre ; 7. La couche picturale étalée sur l’intonachino encore frais.
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