Le 26 novembre 2007, le philosophe Jean Ladrière s’est éteint paisiblement à la Clinique St Pierre d’Ottignies.
Il était âgé de 86 ans. Tant sur le plan intellectuel que sur le plan humain, il fut l’un des universitaires belges les plus respectés du siècle écoulé.
D’origine arménienne par sa mère, il était le fils de l’architecte qui a rénové la collégiale de Nivelles, ville dans laquelle il a grandi et dans laquelle il est retourné vivre après son éméritat. Après les troubles de la guerre, au cours de laquelle il sert dans la Brigade Piron, il poursuit à Louvain des é³Ù³Ü»å±ð²õ de mathématiques et de philosophie. Chercheur FNRS puis professeur à l’Institut supérieur de philosophie de l’UCLouvain, il consacre ses premiers grands écrits aux fondements de la logique formelle et à l’épistémologie des mathématiques. Mais ses publications et ses enseignements se développent rapidement bien au-delà de ces domaines. C’est par ses cours que Louvain découvre Wittgenstein et Popper, Chomsky et Habermas. Il fonde un centre de philosophie des sciences auquel aucun domaine du savoir n’est étranger. Ses mythiques séminaires du vendredi après-midi explorent la cybernétique et la théorie des catastrophes, la théorie de l’évolution et la théorie de la justice, la métaphysique de Whitehead et le marxisme contemporain.
Bien au delà de l’appropriation critique d’une littérature scientifique et philosophique immense, Jean Ladrière est aussi l’auteur d’une oeuvre personnelle riche et influente qui s’est exprimée dans une succession d’ouvrages rédigés avec un grand soin et une grande élégance, dont les trois derniers (La Foi chrétienne et le destin de la raison, Le temps du possible et L’Espérance de la raison) sont parus en 2004. Au coeur de cette oeuvre, le rapport entre la foi et la raison. « Ce qui est en jeu », disait-il dans un entretien publié par la revue Louvain à l’occasion de son 80e anniversaire, « ce n'est pas une simple confrontation, c'est un rapport justifiable, à la fois réfléchi et vécu, entre foi et raison. C'est la visée de ce rapport qui est, je crois, sous-jacente à la grande majorité des textes que j'ai écrits, les autres n'étant que des interventions de circonstance. »