L'eau du robinet est-elle saine ? Doit-on désinfecter ses courses lorsqu'on revient du supermarché ? Pourquoi certaines personnes tombent-elles malades et d'autres non ? De quel type sera la prochaine pandémie ? Voici un aperçu des questions concrètes que nous avons posées à Jean-Cyr Yombi, infectiologue.
Pourquoi certaines personnes tombent-elles malades et d’autre pasÌý?
Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. La susceptibilité individuelle peut jouer en partie mais aussi la fragilité de la personne (comorbidités), et d’éventuels problèmes d’immunité. Enfin, c’est peut-être aussi une question de chance.
Quel est le rôle d’un infectiologueÌý?
Le rôle d’un infectiologue pourrait être de dépister en partie des troubles immunitaires afin de les corriger, mais ce n’est pas son rôle premier. Notre travail, c’est d’abord de faire de la prévention, c’est-à -dire donner des conseils, vacciner et éventuellement donner des médicaments pour éviter d’attraper une infection. Et en cas d’infection, notre rôle est de soigner et de guérir.
Prenons par exemple la malaria. Si quelqu’un se rend dans une zone à risque, on lui conseille d’emmener de l’anti-moustique et une moustiquaire, de porter des vêtements longs et de prendre un médicament préventif. Si cette personne contracte la maladie, on va lui donner un traitement.
Y a-t-il un risque de contracter le coronavirus en buvant l’eau du robinetÌý?
Absolument pas. Ce n’est pas du tout le modèle de transmission du virus. On le retrouve dans les sécrétions respiratoires, un peu dans le sang, un peu dans les selles et pas du tout dans les urines. La transmission se fait au travers des gouttelettes respiratoires. En fait il y a deux types de gouttelettesÌý: celles (fines) qui sont projetées (aérosols), raison pour laquelle il fait garder une distance d’1,5 m entre les personnesÌý; et celles (grosses) qui vont se déposer sur les surfaces que l’on touche. Il faut donc impérativement se laver souvent les mains.
Faut-il laisser reposer les courses ou le pain que l’on vient d’acheter pour éviter d’entrer en contact avec le virusÌý?
Il ne faut pas tout exagérer. Quand on fait les courses, il faut se laver les mains, et éviter de se moucher et de cracher. Cette notion vient du fait qu’on a démontré une survie du virus sur des surfaces en laboratoires (en moyenne 1h en aérosol,5 h sur du plastique ou de l’acier inoxydable). Cependant, lors des tests en laboratoire, on pulvérise des gouttelettes contenant le virus (forte concentration) à haut débit sur des surfaces et on constate qu’il survit pendant 1h à 5h en moyenne, selon le type de surface. Mais dans la réalité, dans un espace ouvert et ventilé en permanence, ce n’est pas du tout pareil. Notez bien qu’après désinfection des surfaces, on ne retrouve plus de virus après.
Peut-on être réinfecté par le coronavirusÌý?
On n’en a pas la preuve. Un seul cas a été décrit en Asie. C’est toute la questionÌý: si on a eu le coronavirus, développe-t-on une immunité suffisante pour être protégéÌý? À l’heure actuelle, on ne sait pas. C’est probable pour un certain nombre de personnes, car on commence à utiliser du sérum des personnes convalescentes pour essayer de guérir d’autres malades atteints du COVID-19.
Doit-on s’attendre à davantage de pandémies à l’avenirÌý?
Probablement, oui. Au cours des dernières années il y a eu le virus Ebola, le SARS-Cov en 2003, le MERS-Cov en 2012, la peste à Madagascar en 2017, à nouveau Ebola, et le virus Zika en Amérique latine. La question à poser est plutôt ‘à quels intervalles de temps de nouvelles pandémies vont-elles survenirÌý?’ et ‘Quand et comment ?’. Ìý
La Belgique a-t-elle bien géré la criseÌý?
Quand il y a crise, il faut d’abord se battre pour en sortir. Les analyses en cours doivent surtout servir à corriger le tir et renforcer la capacité à faire face. Il faudra à la fin tirer les enseignements et se demander ce qui a bien fonctionné ou pas. Mais on ne peut pas prévoir comment se passera une nouvelle pandémie. Le SARS-Cov-2 actuel ne se comporte par du tout comme le Sars-cov.
Et si la prochaine pandémie n’est pas liée au système respiratoire, que fera-t-on d’éventuels stocks de masquesÌý? Bien entendu, il faut prévoir la façon dont on va gérer une crise, prévoir l’organisation au niveau politique, scientifique, anticiper les besoins (en tenant compte du fait que s’il y a une pandémie nous pouvons être dépendant de la production des pays atteints, prévoir des chaines alternatives de production etc…), penser à la gestion des équipes, la gestion des infos (nouveaux médias) et la diffusion de messages clairs. Aujourd’hui, les hôpitaux vont apprendre comment gérer le personnel, les flux, le matériel. Mais de quel type sera la prochaine pandémieÌý? Il faut être prophète pour le deviner. C’est pour cela qu’il faut être nuancé et prudent dans les prédictions.
Jean-Cyr Yombi
Spécialiste en médecine interne et maladies infectieuses. Il est professeur à la Faculté de médecine et médecine dentaire et chef de clinique aux Cliniques universitaires Saint-Luc..