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La modélisation au temps du COVID-19

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Janvier 2020 : les médias rapportent l’émergence d’une mystérieuse pneumonie virale à Wuhan, en Chine. Aujourd’hui, nous connaissons le coupableÌý: le coronavirus SARS-CoV-2. Depuis lors, le monde entier est exposé à un flot continu d’informations concernant ses capacités de propagation et son impact sur la mortalité.Ìý

Bien qu’une part importante du mystère ait été révélée, la prédiction de l’évolution de la propagation du virus reste délicate alors que de nombreuses incertitudes subsistent à son sujet. Dans le cadre de la lutte contre ce virus, les modèles mathématiques nous aident à comprendre la propagation du virus et permettent d’évaluer les effets des interventions entreprises pour limiter sa propagation, avec un but majeurÌý: aplatir la courbe épidémique afin de la maintenir sous la capacité du système de santé (Figure 1).


Figure 1: L'évolution d'une épidémie avec ou sans mesures préventives.

La modélisation mathématique en épidémiologie a commencé en 1760, avec les travaux de Bernoulli visant à évaluer l’efficacité de l’inoculation contre la variole. La modélisation est aujourd’hui un domaine de recherche à part entière, dont les capacités ont été décuplées par la formidable puissance de calcul permise par les ordinateurs actuels.Ìý

Dans le contexte de cette pandémie de COVID-19, les épidémiologistes développent, testent et ajustent des modèles pour simuler la propagation de cette maladie infectieuse; il s’agit de mieux la comprendre et d’optimiser les interventions visant à la contrôler.

Les modèles récents de SARS-CoV-2 sont souvent dérivés du fameux modèle S.I.R développé en 1927 par Kermack et McKendrik, qui décrit la transition entre des populations d’individus Susceptibles (S), Infectieux (I) et Rétablis (R). Les individus «ÌýSusceptiblesÌý» ne sont pas immunisés contre l’agent contagieux. Les individus «ÌýInfectieuxÌý» sont infectés et, sans être nécessairement malades, peuvent contaminer d’autres individus «ÌýSusceptiblesÌý». Les individus «ÌýRétablisÌý» sont immunisés contre la maladie après l’avoir combattue. Dans le cas de SARS-CoV-2, il serait utile d’ajouter une population d’individus Exposés (E) au modèle. La Figure 2 décrit la dynamique des transferts entre individus des différents groupes au sein du modèle.


Figure 2: Représentation d’un modèle de simulation avec des individus Susceptibles (S), Exposés (E), Infectieux (I) ou Rétablis (R).

Cette Figure 2 peut aussi être décrite à l’aide d’équations, attribuant une valeur aux flèches qui font passer d'un groupe à l'autre et que l'on appelle taux de transfert. Un tel modèle permet alors de prédire le nombre d’individus infectieux (I), qui peut être comparé avec les chiffres observés dans la réalité. Le modèle peut également tester l’effet d’interventions telles que l’obligation de se laver les mains, la mise en quarantaine ou la vaccination des individus appartenant aux populations à risque. Par exemple, la Figure 3 décrit comment la vaccination pourrait ralentir l’épidémie actuelle en empêchant le passage de Susceptibles (S) à Exposés (E). Ce modèle permet aussi de calculer la tranche de la population qui devrait être vaccinée pour maintenir le nombre total d’individus infectés sous un seuil déterminé.


Figure 3: Représentation d’un modèle de simulation avec des individus Susceptibles (S), Exposés (E), InfectieuxÌý(I) ou Rétablis (R) montrant comment la vaccination permet aux S de devenir R avant d’être infectés.

Ces modèles de simulation permettent de tester virtuellement des milliers de scénarios possibles dans un laps de temps très court. Les incertitudes associées à certains paramètres des modèles limitent la précision des prédictions au début d’une épidémie. Cependant, et même en l’absence de données disponibles, les connaissances acquises lors d’épidémies précédentes permettent de construire un modèle initial. La finalité est d’évaluer l’impact des programmes d’intervention pour guider d’une part les décideurs dans leurs choix et d’autres parts, les scientifiques dans leurs activités de collecte de données.

L’arrivée de nouvelles données conduit à affiner les modèles dont les résultats peuvent alors influencer les programmes d’intervention pour maintenir la courbe épidémique sous la capacité du système de santé (comme le recommande la Figure 1). Les puissances de calcul actuelles permettent d’augmenter la complexité des modèles de manière substantielle. Par exemple, un modèle multi-agents, permettant de mimer les déplacements des individus et leurs interactions, a permis de prédire les effets des mesures de quarantaine sur l’épidémie d’Ebola en 2014.

Les modèles mathématiques permettent aussi de calculer certains paramètres, tel que le taux de reproduction de base, R0, qui correspond (de manière simplifiée) au nombre moyen d’individus qu’une personne porteuse va infecter pendant la durée de son infection. Sous certaines conditions, 1Ìý-Ìý1/R0 donne une indication sur la proportion de la population susceptible d’être infectée au cours de l’épidémie. Actuellement, le R0 du SARS-CoV-2 est estimé à environ 2,5, ce qui suggérerait en appliquant la formule et, comme indiqué de manière simplifiée, que 60% de la population pourrait être infectée.Ìý

Comme mentionné et illustré dans la Figure 3, vacciner la population serait une solution idéale. En l’absence de vaccin disponible, le confinement (associé à d’autres mesures de distanciation sociale) permettra de limiter la proportion de personnes susceptibles devenant infectieuses. Les modèles de simulation sont donc un outil crucial dans le cadre de la lutte contre le SARS-CoV-2, aidant à comprendre les énormes efforts nécessaires pour combattre le coronavirus, ralentir la propagation de l’épidémie et, ainsi, sauver des vies.

Niko Speybroeck

Niko Speybroeck

Professeur et chercheur à l’Institut de recherche Santé et Société.

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